Poids de senteurs

Tout au fond de toi, je le sais, tu me rêves troublante et langoureuse, peau ambrée, démarche chaloupée et sillage puissant…

Et pourtant, il faut te faire une raison, mon Romand d’amour, je ne suis pas une femme fatale et voluptueuse, une femme Poison dont les effluves entêtants chavirent  ceux qui les respirent.

Ta petite suisse, couleur yogourth, n’a pas le déhanché ondulant ni le coup d’oeil lascif.  Et je l’avoue à regret,  les parfums de pomme, concombre et tomate me mènent davantage par le bout du nez que les suaves bouquets d’orient.

A regret oui, car si la poésie des parfumeurs me fait tant rêver,  la lecture du descriptif de mes senteurs préférées me consterne, me pèse même.  Je m’y découvre jardinière… de légumes, blanchisseuse, au mieux marchande d’agrumes, très loin de ces libellés fantasmatiques propres à sublimer n’importe quel jus de chaussette!

Mais on ne se refait pas. Les parfums capiteux me soulèvent le coeur et me tournent la tête. Un sillage trop lourd signe, à mon nez, une forme de vulgarité. J’aime les fragrances légères, fraîches, les parfums-aquarelles, tout en transparence. Féminité et sensualité se nichent aussi dans la subtilité.

Qu’importe finalement leur formulation, ces fragrances sont miennes et  me collent à la peau.  Je  me revendique fille des Hespérides, descendante des gardiennes du jardin mythique où poussaient les pommes d’or. Voila qui sonne tout de même mieux que maraîchère ou lavandière!

 

Je le confesse ici, souvent ma tête est fruitée, mon coeur fleuri et mon fond sensuellement boisé. C’est délicieux ! Et c’est après la mousson que j’aime me promener dans le  jardin, lorsque vert et humide, il exhale ses notes aqueuses mêlées d’épices fraîches et aromatiques. Enfin, de temps à autre, je n’hésite pas à m’enivrer d’un peu de vodka frappée, subtilement aromatisée aux feuilles de tomates et au zeste d’orange sanguine Tu te souviens, ce cocktail exquis que tu m’as offert à notre retour de vacances l’été dernier…